Violence contre les députés : une épidémie
Quel est le point commun entre Romain Grau, Stéphane Claireaux, Pascal Bois et Isabelle Rauch ? Tous sont députés LREM, certes. Mais surtout, tous ont été récemment agressés : permanence vandalisée, domicile attaqué, véhicule privé brûlé, violence physique… Ils ne sont pas les seuls représentants de la nation à subir ce sort, tous les partis étant concernés. Les chiffres donnent le vertige. Sur la première quinzaine de janvier, ils sont vingt-huit dans ce cas. Sans compter leurs trois cents collègues qui, sur l’année 2021, ont reçu des menaces de mort.
Le profil des agresseurs est bien souvent similaire puisqu’il s’agit de militants antivax ou anti pass sanitaire. Face à eux, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand n’a pas de mots assez durs et a annoncé que l’institution qu’il préside se portera partie civile à chaque agression. Hélas, cette intention louable risque d’être peu dissuasive, le mal étant plus profond. Les citoyens s’en prenant à leurs élus semblent baigner dans le complotisme. Sûrs de leur bon droit, s’autopersuadant d’être des combattants de la liberté, il est peu probable qu’ils renoncent à leur sombre dessein. D’autant plus que l’exemple vient d’en haut. Et c’est bien là le cœur du problème. Pour essayer de glaner quelques voix, des dirigeants politiques ont défilé au côté des anti-vax, les parant d’une certaine légitimité. Pire encore, depuis quelques années, le langage de quelques responsables est une incitation à s’en prendre aux représentants du peuple. Éric Zemmour, qui méprise ouvertement de nombreux élus les accusant de trahison ou Jean-Luc Mélenchon qui appelle à les « dégager tous », contribuent à mettre de l’huile sur le feu et font peser un péril sur la démocratie.
À court terme, deux questions peuvent se poser : quel citoyen sensé et désintéressé sera prêt à s’engager au service du bien commun ? Quel est l’intérêt de quitter une vie professionnelle parfois confortable pour se retrouver en première ligne face à des individus dénués de morale et de scrupule ? Les agressions répétées contre les députés pourraient inciter de nombreuses personnes de qualité à ne pas se lancer dans l’arène. Au-delà d’une possible crise de recrutement, nous devrions nous pencher sur les pays où les populistes ont dénigré les élus, plus encore que dans l’Hexagone. Le bilan fait froid dans le dos. En Grande-Bretagne, les outrances des pro-Brexit ont conduit à l’assassinat de la députée Joe Cox. Aux États-Unis, le trumpisme aux abois a mené à l’attaque du Capitole. Certains membres de notre classe politique devraient cesser de flatter les plus bas instincts d’une frange de l’électorat.