À gauche, fini de rire !
À quelques mois du premier tour de la présidentielle, la gauche est dans un état de faiblesse inédit. Experts et observateurs évoquent une multitude de raisons pour expliquer ce marasme : désunion, abandon des classes populaires, focalisation sur le sociétal au détriment du social. Certains la jugent trop libérale, d’autre pas assez protectionniste. Osons une nouvelle piste : la gauche française est à la peine car elle n’est plus drôle.
Étrange non ? Et pourtant logique. Dans les années 1970 et 1980, ce bord politique a construit son hégémonie culturelle en se gaussant de ses adversaires. Nationalistes, religieux, traditionalistes et autres conservateurs étaient moqués et ridiculisés notamment dans des journaux satiriques tels que L’Echo des Savanes, Hara Kiri ou encore Charlie Hebdo. À cette époque, les figures de proue de la gauche post-soixante-huitarde riaient de tout : religion, sexe, mort, maladie, différences culturelles…
Mais depuis quelques années, la gauche hexagonale, inspirée par ses cousins anglo-saxons fait main-basse sur les concepts d’intersectionnalité des luttes et de wokisme. Sa stratégie consiste désormais à tenter d’agréger autour d’elle une multitude de minorités qu’elle essentialise et considère comme structurellement opprimées : immigrés, femmes, LGBT, musulmans… Pour tenter de les séduire, elle se positionne comme leur "protecteur attitré". Intellectuels, universitaires et élus de gauche s’enferment dans ce rôle de pourfendeur d’injustice en s’attaquant à tout ce qui est perçu comme "micro-agression", "appropriation culturelle", "machisme", "homophobie", "islamophobie"…
Désormais, la nouvelle gauche défend les bigots et les intégristes. Et s'attaque à Charlie Hebdo ou Blanche Gardin
Dès lors, humoristes et artistes sont dans le collimateur de ces nouveaux censeurs qui traquent tout ce qui pourrait choquer. Ces dernières semaines, Blanche Gardin qui se moque des néo-féministes dans sa dernière création a été pilonnée par le journaliste Daniel Schneidermann. Puis Libération a vivement critiqué Alexis Michalik qui a mis en scène Les Producteurs de Mel Brooks. Selon la critique, la pièce "frise le racisme et l’homophobie" et cherche à "provoquer dans le public un élan réactionnaire". Il est vrai qu’elle montre des homosexuels en cuir moustache ou noirs de peau et qu’il y a une blague sur le physique d’une secrétaire. Inacceptable ! Ne parlons pas de Charlie Hebdo, régulièrement attaqué par cette nouvelle gauche qui, désormais, défend les bigots et les prudes.
À ses yeux, impossible de rire puisque l’humour, par essence, dérange, grossit le trait ou choque. Les rieurs sont classés comme d’horribles fachos xénophobes et arriérés. Or, les Français sont un peuple plein d’humour et de dérision. Ils n’apprécient guère que des personnes viennent leur dire comment se marrer. Donnons le mot de la fin à Fabrice Luchini qui vise juste en déclarant : "La gauche se replie dans la supériorité du bien. Mais ça va pas du tout, ils parlent très mal aux gens." Qui ne votent plus pour elle. CQFD.
Lucas Jakubowicz