Dans La civilisation du cocon, Vincent Cocquebert analyse un nouveau phénomène de société : la tendance à vivre enfermé dans sa zone de confort et à fuir la réalité. Loin du cocooning généralisé, ce nouveau mode de vie pourrait annoncer une civilisation effrayante…

C’est l’histoire d’un auteur qui, après le premier confinement, souhaite écrire sur l’enfer de la vie en vase clos. Il découvre qu’en réalité des millions de personnes ont apprécié cette période tant notre société nous habitue à vivre dans un cocon. Ce sont les implications économiques et sociales de cette existence quasi coupée du monde réel que le journaliste Vincent Cocquebert analyse avec audace dans un essai publié chez Arkhé, éditeur habitué à identifier avant les autres des faits sociaux qui décoiffent.

Cocon, késako ?

La vie dans un cocon commence dès l’enfance. Les parents surprotègent leurs enfants : interdiction de les gronder, volonté de les préserver d’un monde perçu comme dangereux… Détail révélateur déniché dans le livre, depuis trois générations, les enfants s’éloignent de moins en moins de leur domicile pour jouer. À l’adolescence, arrive le temps des réseaux sociaux : on quitte de moins en moins sa chambre, on discute en ligne avec ses pairs. Il est alors facile d’échanger uniquement avec des personnes aux goûts semblables et de bloquer celui qui nous déplaît. Pensant bien faire, les algorithmes des sites d’information, des réseaux sociaux ou des applis de rencontre nous font remonter uniquement ce qui est susceptible de nous plaire. À l’âge adulte, il est techniquement possible de tout commander sans sortir de chez soi et de déployer un "véritable arsenal de protections physiques et psychiques pour mettre à distance un monde qui nous oppresse". Les conséquences sur notre société sont réelles puisque, pour la première fois dans l’histoire, l’homme ne cherche plus à comprendre ou améliorer le monde mais à s’en protéger. Quiconque vit dans son cocon devient amorphe, ne crée plus, ne débat plus, n’innove plus.

Un tremplin pour censeurs

La thèse développée par Vincent Cocquebert permet de mieux comprendre l’essor du mouvement "woke" et des communautaristes portant atteinte à la liberté d’expression. Ces nouvelles idéologies dogmatiques seraient le fruit de jeunes adultes choyés, ultra émotifs, habitués à rester engoncés dans des certitudes. Une jeunesse qui préfère les réunions en non-mixité, les quotas et les safe spaces au vivre-ensemble. Une jeunesse qui privilégie la censure au débat. Quiconque instillerait le doute dans les esprits doit être censuré, interdit, bref "cancelled " comme on dit outre-Atlantique. De l’autre côté du spectre politique, les partis de droite populistes s’adressent également à ce public. Ils perçoivent "l’autre" comme un ennemi potentiel ? Ils sont plus réceptifs aux slogans qu’aux débats de fond ? Reçoivent l’information influencés par des biais de conformité ? Quelle cible de choix pour les mouvements xénophobes ! Véritable shot intellectuel, cet essai percutant nourrit la réflexion en mettant des mots sur un sujet que nous pressentions. Il est probable que, dans les années à venir, des auteurs et des sociologues affineront les thèses étayées par un auteur décidément très inspiré qui nous décrit une possible dictature appuyée par des êtres amorphes confortablement installés sur leur canapé.

Lucas Jakubowicz

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