La fracture entre droite et gauche semble plus vivace que jamais. Mais les questions sociales sont remplacées par des débats sociétaux tels que le bio dans les écoles, l’islamo-gauchisme ou l’écriture inclusive. À la clé, une radicalisation de tous les partis et des Français de moins en moins passionnés par la politique.

Islamo-gauchisme à l’université, menus végétariens provisoires dans les écoles lyonnaises, épisode Didier Lemaire et utilisation de l’écriture inclusive dans les services publics. Le mois de février a été riche en controverses sociétales qui ont fait les grands titres des médias et occupé les dirigeants politiques. Ils y ont vu une opportunité : faire renaître le clivage droite-gauche supposé disparu depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

Une différence notable est toutefois à souligner. Dans le monde "d’avant", les débats portaient essentiellement sur des questions sociales, celles qui concernent tous les Français : logement, éducation, emploi, pouvoir d’achat, sécurité… Elles semblent dorénavant passer au second plan. À qui la faute ? À une classe politique hors-sol et détachée du quotidien vécu par des dizaines de millions de personnes ? À des médias, eux aussi déphasés, en quête perpétuelle de punchlines ? Il est vrai que faire parler de soi en prenant position sur des sujets qui buzzent, quitte à déformer la réalité, est plus simple que de travailler sur des dossiers de fond.

Certes, nous avons droit à des joutes verbales enflammées, mais celles-ci ne parlent pas aux Français qui les regardent d’un air de plus en plus dépité. Ce n’est pas un hasard si, dans la dernière enquête menée par le Cevipof, seuls 49% de nos concitoyens déclarent s’intéresser à la politique. Le chiffre qui n’a jamais été aussi faible est également en deçà de nos voisins allemands (79%), italiens (69%) et anglais (58%).

Les Français n'ont jamais été aussi peu nombreux à s'intéresser à la politique. Tout sauf un hasard.

Désormais, chaque élu est sommé de prendre position, ce qui a pour conséquence de radicaliser la classe politique. Et aucune ligne médiane ne semble possible. Nous voici donc condamnés à assister à des envolées de centristes bon teint qui tiennent des propos que la droite la plus dure n’aurait peut-être pas osé prononcer il n’y a pas si longtemps. À gauche, le tableau est similaire puisque les franges les plus "communautaristes" ou "indigénistes" parviennent à imposer leurs idées au centre de la discussion. Pourtant minoritaires, elles contraignent une majorité de sociaux-démocrates classiques ou d’écolos modérés à prendre position en leur faveur pour ne pas donner raison aux adversaires. Adversaires de plus en plus diabolisés. Désormais, on ne débat plus vraiment entre droite et gauche. On s’alpague en se traitant de "fachos", de "boomers" ou de "racistes" d’un côté, de "Khmers verts" ou d "islamo-gauchistes" de l’autre. Les débats pour relancer notre recherche, améliorer notre éducation, réduire le déficit de notre balance commerciale ou dynamiser notre industrie attendront. L’heure est à la posture, à l’indignation plus qu’au fond. Pendant ce temps l’extrême droite patiente. Après tout, si les partis "classiques" reprennent ses méthodes, elle peut se montrer optimiste. Les électeurs ne sont-ils pas réputés préférer l’original à la copie ?

Lucas Jakubowicz

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