L. Canesi (CSOEC) : "Le métier d’expert-comptable est celui de coach d’entreprise"
Décideurs. Votre dernier congrès était placé sous le signe de la relance, comment les experts-comptables peuvent-ils l'accompagner ?
Lionel Canesi. 16 mars 2020, cataclysme, confinement, entreprises fermées… Les experts-comptables ont été au chevet de toutes ces TPE/PME pour les accompagner, les conseiller, les guider et mettre en œuvre les différentes aides de l’État. S’en sont suivies une baisse de l’épidémie et une relance potentielle. Le rôle de l’expert-comptable est d’accompagner son client dans la stratégie. C’est un économiste du quotidien mais en même temps un chef d’entreprise au service d’autres dirigeants, qui sont souvent seuls. L’expert-comptable est le pilier sur lequel le chef d’entreprise peut s’appuyer. Son métier est celui de coach d’entreprise.
Vous faites également des propositions à nos dirigeants politiques…
Nous avons formulé cinquante propositions pour relancer l’économie en début d’année 2021, trente au congrès évoqué, et nous préparons les cent propositions des experts-comptables pour la présidentielle, issues du terrain, pragmatiques. Mon seul parti, c’est l’entreprise.
"Nous faisons des propositions pour l’économie, tournées vers les entreprises"
Nous faisons des propositions pour l’économie, tournées vers les entreprises : comment libérer l’entreprise, comment améliorer son statut social et fiscal, comment acculturer les TPE/PME à l’enjeu écologique et numérique, comment préserver le modèle social à la française… Nous allons explorer le sujet de la relance de l’économie ultramarine afin d’accompagner ces territoires qui souffrent différemment de la métropole.
Sont-elles suivies et mises en application ?
Une quinzaine de nos propositions ont été adoptées par le gouvernement car ce sont des mesures de bon sens, de praticiens au cœur des entreprises au quotidien. Prenons-en une emblématique : le dispositif coûts fixes. Le fonds de solidarité « coûts fixes » est une de nos idées, co-écrite avec Bercy et la DGE (Direction des grandes entreprises). L’étalement des PGE sur dix ans en est une autre, de même que la procédure de sauvegarde simplifiée.
Quels sont les grands sujets qui animent aujourd'hui les experts-comptables ?
Nous avions un premier enjeu, celui de la visibilité, que nous avons réglé rapidement. Nous sommes au cœur de l’économie mais ne le faisions pas assez savoir. L’action de l’Ordre a montré que les experts-comptables étaient aux côtés des chefs d’entreprise et avaient une véritable utilité.
"Nous sommes aujourd’hui des chefs d’orchestre de flux papier, et allons devenir des interprètes de flux numérique"
Le numérique est un grand chantier d’autre part, avec une action très forte sur le sujet. Nous avons créé le premier fonds d’investissement d’une profession - Drakarys - pour entrer au capital de startup qui inventent des outils pour nos métiers, afin de prendre en main notre indépendance numérique. Nous travaillons également très fortement sur la data. Nous sommes aujourd’hui des chefs d’orchestre de flux papier, et allons devenir des interprètes de flux numérique. La facture électronique en fait partie. Notre rôle est d’accompagner les cabinets à prendre en main le tournant numérique.
Nous avons par ailleurs une problématique sur le recrutement. Non pas que la profession ne soit pas attractive, mais elle croît vite et nous avons du mal à trouver les profils pour y répondre. On dénombre aujourd’hui 10 000 offres d’emploi non pourvues chez les experts-comptables. Nous sommes donc en train de mettre en place des initiatives pour d’un côté attirer les jeunes et d’un autre côté préparer les collaborateurs des cabinets à cette transformation digitale, qui va de pair avec la formation et l’accompagnement.
Les jeunes qui cherchent de plus en plus de sens dans leur travail…
Cette crise a montré tout le sens et l’utilité de travailler dans un cabinet d’expertise-comptable. Lorsqu’on est en contact d’entreprises en difficulté, qu’on les sauve ou les accompagne dans leur stratégie, cela donne du sens. Il ne faut pas oublier que nous sommes la porte d’entrée et le principal conseiller des trois millions de TPE/PME qui constituent 90 % de l’économie française. Les dimensions de RSE et de durabilité ont ainsi toute leur place dans notre quotidien.
Parlez-nous des initiatives destinées aux jeunes
Tout d’abord, nous menons des initiatives pour montrer et faire connaître le métier aux jeunes, comme des business games. Nous préparons également avec des écoles de province l’amélioration des diplômes métiers de cabinet, autres que celui d’expertise-comptable. En d’autres termes, nous voulons intégrer la modernisation de notre profession dans les nouveaux cursus. La formation initiale et la pratique sont souvent complètement éloignées l’une de l’autre. Concrètement, nous sommes en train de signer avec 50 écoles des Bachelor métiers.
Quelles sont vos actions en matière de RSE ?
Nous préparons une grande campagne de formation des professionnels, ainsi que des formations initiales et complémentaires avec l’Intec sur les sujets RSE. Au-delà de l’outil principal qu’est le bilan carbone, il faut aller plus loin et avoir des indicateurs simples pour les TPE/PME, l’acculturation restant un point essentiel. Par exemple, des éléments compréhensibles comme le coût énergétique d’une boîte mail et des messages non supprimés, le turnover, lui-même indicateur du bien-vivre dans une entreprise, ou encore le coût carbone d’une prestation de service.
Quels sont vos chantiers pour les trois à cinq prochaines années ?
Notre enjeu principal pour les dix prochaines années est la digitalisation : facture électronique, data… Ce n’est pas une révolution, mais une évolution. La profession a toujours été moteur sur ces sujets. En prenant ce virage, nous accompagnons aussi nos clients par la même occasion.
Propos recueillis par Marc Munier