Chez Naval Group, le centre d'expertise pour la maîtrise de l’information, des facteurs humains et des signatures (Cemis) conçoit la plupart des IA propriétaires du leader de la construction navale de défense. Au sein de ce centre, Sébastien Rousset, responsable de la gouvernance de l’IA de Naval Group, explique comment il concilie défense et algorithmes.

Comment Naval Groupe intègre-t-il l’IA ?

Sébastien Rousset. Avec 400 ans d’histoire, Naval Group dispose d’une richesse inestimable : son savoir-faire. Protéger, entretenir et valoriser ce capital repose sur une transformation digitale d’envergure. Une des priorités de notre gouvernance de l’IA a été de proposer aux collaborateurs un accès simplifié à nos bases de données avec le déploiement de chatbot métiers, qui proposent de l’information clé à leur utilisateur.

L'IA générative laisse entrevoir le meilleur retour sur investissement. Les demandes d'assistants virtuels métier affluent pour améliorer l'accès à la connaissance. Tous les métiers de gestion contractuelle en sont les grands bénéficiaires. Depuis le début de l'année, nous organisons des séances d'idéation avec les responsables des offres, des achats, des ressources humaines ou encore des métiers de la finance. La liste des cas d'usage ne cesse de s'allonger.

"Il ne suffit pas d'adapter nos capacités de calcul et de stockage aux exigences de l'IA" 

Comment faites-vous de l’IA un levier de compétitivité ?

L'IA est un levier de compétitivité évident de deux manières. Elle permet d’abord d’améliorer l’attractivité de nos produits et services. Notre raison d’être est d’offrir aux corps de marines clientes, et en particulier la Marine nationale, les moyens de leur souveraineté, en les dotant d'innovations garantes d’une supériorité informationnelle et opérationnelle. Nous avons ainsi identifié des cas d'usage dans lesquels l’IA proposera directement dans nos systèmes des aides à la conduite, notamment en matière de commandement, ou encore des optimisations de la logistique et de la maintenance pour nos activités de maintien en condition opérationnelle. Ensuite, nous nous intéressons au déploiement de l’IA au profit de cas d’usage internes, notamment à travers l’IA générative, véritable ressource pour les collaborateurs.

Concrètement, comment s’organise votre gouvernance d’IA ?

En qualité de responsable de la gouvernance de l’IA, je suis le garant des priorisations que nous accordons aux cas d'usage. D'ores et déjà, nous disposons d'infrastructures capables de traiter des informations sensibles. Néanmoins, il ne suffit pas d'adapter nos capacités de calcul et de stockage aux exigences de l'IA. Il faut en revanche, réfléchir aux paramètres tels que l’autorisation d’accès à l’information, sa valorisation, mais aussi les enjeux de propriété intellectuelle inhérents.

Je dois également m’assurer que les moyens techniques tels que les datas et l’infrastructure, mais aussi ceux humains et méthodologiques sont cohérents avec nos ambitions stratégiques. Cette problématique s'applique essentiellement à la collecte et au partage de la donnée nécessaire à l'apprentissage des intelligences artificielles de type machine et deep learning.

Comment concilier les exigences de sûreté et ces avancées ?

De notre côté, nous menons des recherches et des expérimentations sur des solutions de cryptage de la donnée. Ces techniques permettent de réaliser un apprentissage de qualité sans accéder à la donnée source. Aussi prometteuses soient-elles, ces techniques ne sont pas encore matures pour une utilisation industrielle à court terme.

"Aussi prometteuses soient-elles, ces techniques ne sont pas encore matures pour une utilisation industrielle à court terme"

En attendant que nous adoptions des solutions les plus viables et durables possibles, nous avons amendé notre processus de production, pour réaliser l'apprentissage de nos IA sur des données simulées ou des synthèses représentatives des données brutes. Néanmoins, recourir à des données simulées constitue un palliatif à l’entraînement des IA, tant que nous ne disposons pas des données réelles. Pour déployer une IA performante, il est impératif de l'exposer aux données réelles lors de son apprentissage. Celui-ci est facilité par notre rôle de maître d'œuvre en nous apportant une vue globale des navires et des systèmes embarqués.

Propos recueillis par Alexandra Bui

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