Les défis qu’impose à nos sociétés la pandémie de Covid-19 les obligent à se livrer à une course aux solutions, pour surmonter la crise sanitaire, mais également déjouer un effondrement de nos économies. D’où peut alors venir le salut pour envisager un monde différent ? Comment se financent les entreprises qui s’y emploient ?

L’histoire l’a démontré, la capacité d’une société  à  sortir renforcée d’une crise est intimement liée à sa capacité à innover. Aujourd’hui comme jamais, la pandémie à laquelle nous sommes confrontés bouscule  les  fondements  même  de  notre système  économique  et social. Seule une démarche d’innovation structurée et orientée vers l’avenir permettra de déployer les solutions pérennes, en mesure de supporter une économie sur ces  nouvelles  bases.  Quelle qu’en soit  la nature,  l’innovation  permet  de  passer d’une réponse transitionnelle (qui vise à assurer  la survie  des systèmes existants), à une réponse transformationnelle (qui "profite" de la crise pour  repenser les systèmes pour  l’avenir). Pour rendre  les choses plus concrètes, explorons  deux domaines  d’innovation dont l’importance a été intensifiée par la crise sanitaire : la recherche médicale et les innovations économiques et sociales.

L’heure des biotechnologies 

Au moment où nous écrivons ces lignes, le  développement  d’un  vaccin contre  la Covid-19 est un sujet de premier plan, et vraisemblablement une  des  seules  pistes qui nous laissent entrevoir une sortie définitive de cette crise sanitaire. 146 Les premières découvertes laissent apparaître au grand jour un point clé : l’innovation et la recherche médicale sont aujourd’hui  majoritairement  entre  les mains des startup biotechnologiques. L’exemple du premier vaccin potentiel contre la Covid-19 le démontre puisqu’il est le produit de la recherche menée par une  biotech,  BioNTech.

"Le secteur des biotechs dispose à lui seul d’un portefeuille de traitements en étude plus important que celui des cinq plus grands labos pharmaceutiques"

Point important, cette biotech allemande a pu s’appuyer sur les moyens financiers et  logistiques  d’un  Big  Pharm  américain,  Pfizer,  pour développer  un  vaccin crédible en un temps record. L’importance de ces mécanismes de collaboration grand groupe / startup  est ici encore démontrée sans ambiguïté. En  France,  le  secteur  des  biotechs (composé de plus de 800 entreprises) dispose d’un  portefeuille  de traitements  en  cours de  développement  plus  important  que celui des cinq plus grands laboratoires pharmaceutiques  réunis (1). Les biotechs consacrent plus de 70  % de leurs dépenses à  la  Recherche  & Développement  contre 20  % en moyenne pour les Big Pharm(2).

De fait, le financement est un enjeu majeur pour  ces  startup  pas comme  les  autres. Jugez  vous-même : le  développement d’un traitement  médical  se  projette  sur dix à quinze ans, avec une espérance de succès de l’ordre de 10  %. Ce qui signifie que l’entrepreneur qui crée une biotech aujourd’hui doit trouver les leviers pour financer au moins dix années de pertes.

Heureusement, la France offre un terreau propice à leur développement grâce à un précieux écosystème d’aides financières. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR)  représente  ainsi  à  lui  seul  18  % du financement des biotechs. La complexité imposée par l’administration f iscale sur ce dispositif n’en réduit pas pour autant l’impact positif (la moitié d’entre elles sont accompagnées par un conseil expert). De même, plus de la moitié des biotechs bénéficient du statut Jeune entreprise innovante (JEI), et la Banque publique d’investissement (BPI) leur a alloué 284 M€ d’aides en 2019 (3). 

Résultat, l’ensemble de ces soutiens permet  à  la France  de se hisser au rang de premier  pays  Européen  sur  le  nombre d’études cliniques en cours. Ces investissements  sont  d’autant  plus  bénéfiques qu’outre les  enjeux  liés  à  la  pandémie, les perspectives de vieillissement de la population  ou d’augmentation  des  maladies chroniques positionnent durablement les biotechs sur le devant de la scène.

Les sciences humaines et sociales au service d’un monde durable

La crise sanitaire a également conduit à une sérieuse remise en question des schémas  usuels  d’interaction  et  de consommation  qu’on pensait gravés dans le marbre. De fait, la définition du "monde d’après"  nécessitera des ruptures dans ce domaine, des innovations à même de nous permettre de repenser les schémas établis.

Après des décennies  pendant  lesquelles  l’innovation  technologique  a été sacralisée, il apparait dorénavant que le domaine des sciences humaines et  sociales possède  une  partie  des  clés pour créer une société plus durable. Les courants de  transformations sociétales en cours – ou  à venir  – sont soutenus par des démarches de recherche non techniques, mais néanmoins très innovantes et soumises à des aléas très forts.

Pourtant, cet univers de recherche est souvent  négligé et  mal  soutenu financièrement  car  les  rouages  de  la  recherche  et de l’innovation sont très mal compris. Et ce, alors que certains de nos laboratoires publics sont reconnus comme des références  mondiales… Sur le terrain, nos équipes d’experts s’aperçoivent  que  de  nombreuses entreprises  du  secteur  n’optent  même pas pour le dispositif du CIR, pensant à tort que leur catégorie de recherche en est exclue. 

Il  est  temps  de  tordre  le  cou  à  cette  idée : OUI le CIR leur est également ouvert ! Parmi les investissements qui sont pleinement éligibles, on pourrait citer : 

- les  travaux  exploratoires  liés  au  développement de méthodes et process d’économie  circulaire  pour limiter  le gaspillage  alimentaire

-  la recherche de nouveaux référentiels pour  évaluer  l’impact  de  nouvelles approches  agronomiques.

- certains  développements  en  vue  de mesurer  les impacts  carbone  directs et indirects des entreprises.

Ces exemples de thèmes de recherche ne  sont  pas  évoqués  par hasard,  il  s’agit de projets que nos équipes de consultants ont défendu au CIR aux côtés d’entreprises  talentueuses  et  innovantes, qui ont une place de choix dans notre paysage  économique  et  technologique à venir. Cela  fait quelques  années  que nous accompagnons  les entreprises  dans le domaine de la recherche et malgré nos efforts d’évangélisation,  une certaine ignorance perdure quant aux aides dont peuvent bénéficier ces sociétés à impact. Il est temps de lever les équivoques.

Les investissements d’aujourd’hui sont les innovations de demain

Ces deux secteurs,  biotechnologies  et sciences  humaines  et  sociales,  mettent en  évidence  l’importance  fondamentale de l’innovation  en  ces  temps  de  crise.  Ils ne  constituent  pourtant  qu’un échantillon des découvertes dont nous aurons besoin  pour  façonner  " le  monde  de demain" . Ce sont donc les investissements en R&D d’aujourd’hui qui pourront produire les innovations espérées. Nous avons  la chance  d’évoluer  dans  un pays qui l’a compris, reste à savoir saisir et activer les bons leviers.   

(1) : Sanofi, Ipsen, Servier, LFP et Pierre Fabre

(2) : Données France Biotech 2019

(3) : Chiffres France Biotech 2019

Sur L'auteur :

Teoman Atamyan  est  directeur  du  pôle  innovation  du  groupe  Leyton Après  un  parcours  scientifique  universitaire,  il  décide  de  rejoindre  le  secteur  du  conseil  en  innovation. Depuis  quinze  ans,  il accompagne  petites  et  grandes  entreprises  pour  leur  permettre  de  déployer  leur  plein  potentiel d’innovation,  en  apportant  une  structure méthodologique  et  en  activant  tous  les  leviers  de  financement existants.

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