« Le défi de la santé est organisationnel, bien plus que technologique »
Entretien avec Thierry Zylberberg, Orange Healthcare
Décideurs. On parle beaucoup de télémédecine. Quels sont les besoins de l’industrie la concernant?
Thierry Zylberberg. Orange Healthcare a été créé après avoir constaté que les IT avaient très peu pénétré l’univers médical par rapport à d’autres industries. Il y a sept ans, nous nous sommes proposés de transformer le monde de la santé en partant de notre savoir-faire : transporter, héberger et sécuriser des données avec l’échange d’informations entre professionnels, la transmission de données des patients vers les professionnels, et enfin la transmission d’informations vers les patients et le grand public.
Décideurs. Quelle est votre démarche pour équiper les établissements de santé ?
T. Z. Nous répondons aux besoins des collectivités, comme le déploiement du cloud. Nous avons ainsi monté les serveurs hébergeant la totalité de l’imagerie médicale de trente-deux hôpitaux en Île-de-France. L’accès centralisé permet aux établissements de communiquer plus facilement pour un coût bien moindre, et aux médecins de ville d’y avoir accès par Internet.
Lorsqu’une spécialité très pointue est requise lors d’une opération, nous fournissons également des services de télé-expertise. Ils permettent aux spécialistes de travailler sur un même échantillon de très haute qualité à distance sur tout le territoire.
Décideurs. Nous dirigeons-nous vers un hôpital hors des murs ?
T. Z. Les solutions de suivi à distance se développent à grande vitesse, notamment pour les patients atteints de maladies chroniques. Pour éviter les accidents graves, nous avons participé au développement de dispositifs médicaux connectés. Les pacemakers, les respirateurs de patients souffrants d’apnée du sommeil, les appareils de dialyse ou de contrôle de l’insuline fonctionnent désormais à domicile.
Décideurs. Comment la sécurité sociale s’y adapte-t-elle ?
T. Z. Si la discussion n’est pas de notre ressort, l’industrie attend clairement un décollage de la part de la sécurité sociale sur ce sujet. Le dialogue est soutenu et des solutions devraient émerger, notamment sur les possibilités de remboursement de l’acte à distance. Nous avons de bons exemples de succès à l’étranger, comme à Singapour où les opérations en post-chirurgie sont prises en compte.
Décideurs. Quel est le potentiel de la télémédecine pour les pays émergents ?
T. Z. Alors qu’ici nous optimisons, là-bas tout reste parfois à créer. Nous avons lancé un service de consultation par téléphone dans certains pays d’Afrique. Début 2014, les personnes malades échangeront par SMS avec leur médecin. C’est un système qui a fait ses preuves en Écosse, où un tri est fait avant de prendre rendez-vous avec un médecin.
Les télécoms sont aussi une arme efficace contre la contrefaçon. Au Kenya, nous avons mis en place un système de contrôle très simple. Les boîtes de médicaments portent une bande argentée à gratter qui révèle un code. Envoyé par SMS, ce code indique au patient la traçabilité et la date de péremption de son médicament !
Décideurs. Comment expliquez-vous qu’un univers autant porté sur l’innovation soit en retard au niveau des équipements de télécommunications ?
T. Z. Je dirais que la principale friction tient à la conduite du changement dans les organisations de santé. C’est un problème de planification et d’exécution bien plus que de technologies, ces dernières sont en réalité assez communes. D’une part, il faut accompagner les organismes dans la mise en place de leurs nouveaux systèmes. On ne peut pas se contenter de déposer le projet sur un bureau et attendre qu’il se développe. Par ailleurs, les systèmes requièrent parfois une nouvelle organisation du travail et le recrutement d’infirmières qualifiées. Cela prend du temps.
L’innovation médicale est constante, mais le principe de précaution est devenu très puissant. Si la première greffe du cœur avait lieu aujourd’hui son auteur serait probablement en prison ! La santé est aussi un univers très consensuel. À l’inverse de l’industrie ou du commerce, nous nous assurons que tout le monde est d’accord avant de lancer un projet. Enfin, la formation des médecins n’est plus adaptée à une pratique dans laquelle la gestion des données est essentielle. Ils sont formés comme des artisans, alors qu’il est devenu nécessaire d’avoir une vision longitudinale de la santé. Il est aujourd’hui plus naturel pour un ingénieur que pour un médecin de réfléchir sur les « parcours de soins », cela doit changer.
Thierry Zylberberg. Orange Healthcare a été créé après avoir constaté que les IT avaient très peu pénétré l’univers médical par rapport à d’autres industries. Il y a sept ans, nous nous sommes proposés de transformer le monde de la santé en partant de notre savoir-faire : transporter, héberger et sécuriser des données avec l’échange d’informations entre professionnels, la transmission de données des patients vers les professionnels, et enfin la transmission d’informations vers les patients et le grand public.
Décideurs. Quelle est votre démarche pour équiper les établissements de santé ?
T. Z. Nous répondons aux besoins des collectivités, comme le déploiement du cloud. Nous avons ainsi monté les serveurs hébergeant la totalité de l’imagerie médicale de trente-deux hôpitaux en Île-de-France. L’accès centralisé permet aux établissements de communiquer plus facilement pour un coût bien moindre, et aux médecins de ville d’y avoir accès par Internet.
Lorsqu’une spécialité très pointue est requise lors d’une opération, nous fournissons également des services de télé-expertise. Ils permettent aux spécialistes de travailler sur un même échantillon de très haute qualité à distance sur tout le territoire.
Décideurs. Nous dirigeons-nous vers un hôpital hors des murs ?
T. Z. Les solutions de suivi à distance se développent à grande vitesse, notamment pour les patients atteints de maladies chroniques. Pour éviter les accidents graves, nous avons participé au développement de dispositifs médicaux connectés. Les pacemakers, les respirateurs de patients souffrants d’apnée du sommeil, les appareils de dialyse ou de contrôle de l’insuline fonctionnent désormais à domicile.
Décideurs. Comment la sécurité sociale s’y adapte-t-elle ?
T. Z. Si la discussion n’est pas de notre ressort, l’industrie attend clairement un décollage de la part de la sécurité sociale sur ce sujet. Le dialogue est soutenu et des solutions devraient émerger, notamment sur les possibilités de remboursement de l’acte à distance. Nous avons de bons exemples de succès à l’étranger, comme à Singapour où les opérations en post-chirurgie sont prises en compte.
Décideurs. Quel est le potentiel de la télémédecine pour les pays émergents ?
T. Z. Alors qu’ici nous optimisons, là-bas tout reste parfois à créer. Nous avons lancé un service de consultation par téléphone dans certains pays d’Afrique. Début 2014, les personnes malades échangeront par SMS avec leur médecin. C’est un système qui a fait ses preuves en Écosse, où un tri est fait avant de prendre rendez-vous avec un médecin.
Les télécoms sont aussi une arme efficace contre la contrefaçon. Au Kenya, nous avons mis en place un système de contrôle très simple. Les boîtes de médicaments portent une bande argentée à gratter qui révèle un code. Envoyé par SMS, ce code indique au patient la traçabilité et la date de péremption de son médicament !
Décideurs. Comment expliquez-vous qu’un univers autant porté sur l’innovation soit en retard au niveau des équipements de télécommunications ?
T. Z. Je dirais que la principale friction tient à la conduite du changement dans les organisations de santé. C’est un problème de planification et d’exécution bien plus que de technologies, ces dernières sont en réalité assez communes. D’une part, il faut accompagner les organismes dans la mise en place de leurs nouveaux systèmes. On ne peut pas se contenter de déposer le projet sur un bureau et attendre qu’il se développe. Par ailleurs, les systèmes requièrent parfois une nouvelle organisation du travail et le recrutement d’infirmières qualifiées. Cela prend du temps.
L’innovation médicale est constante, mais le principe de précaution est devenu très puissant. Si la première greffe du cœur avait lieu aujourd’hui son auteur serait probablement en prison ! La santé est aussi un univers très consensuel. À l’inverse de l’industrie ou du commerce, nous nous assurons que tout le monde est d’accord avant de lancer un projet. Enfin, la formation des médecins n’est plus adaptée à une pratique dans laquelle la gestion des données est essentielle. Ils sont formés comme des artisans, alors qu’il est devenu nécessaire d’avoir une vision longitudinale de la santé. Il est aujourd’hui plus naturel pour un ingénieur que pour un médecin de réfléchir sur les « parcours de soins », cela doit changer.